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Airbus ZeroE with turbofan

Airbus dévoile ses avions à hydrogène ZEROe

Airbus vient de dévoiler trois concepts d’avions commerciaux fonctionnant à l’hydrogène. Ces nouveaux aéronefs zéro émission pourraient entrer en service dès 2035. Le choix de ce nouveau carburant propre amène beaucoup de défis pour l’avionneur européen.

Airbus mise sur l’hydrogène pour relever le défi climatique

Le secteur aéronautique subit une pression très forte pour réduire son empreinte environnementale. Bien que le transport aérien ne représente que 3% des émissions mondiales de CO2 selon l’Agence internationale de l’énergie, c’est l’une des industries les plus critiquées face aux bouleversements climatiques. Une interdiction des vols qui peuvent se réaliser en moins de 2 heures en train, une interdiction de la publicité pour les vols long-courriers ou encore un mouvement de honte de prendre l’avion (flydskam), le secteur aéronautique est plus que jamais sous le feu des critiques. Airbus, leader dans la construction d’avions au côté de Boeing, le sait et imagine déjà ses avions du futur pour relever le défi climatique.

Le grand constructeur européen s’est donné l’ambition de développer le premier avion commercial du monde qui n’émettrait aucune émission d’ici 2035. Airbus a présenté ce lundi 21 septembre trois concepts d’avion ZEROe, pour Zéro émission, qui seraient propulsés grâce à l’hydrogène.

Selon Guillaume Faury, PDG d’Airbus, « il s’agit d’un moment historique pour l’ensemble du secteur de l’aviation commerciale, et nous entendons jouer un rôle de premier plan dans la transition la plus importante que notre industrie ait jamais connue. Notre vision d’un avenir ‘zéro émission’ pour l’aviation est audacieuse, et les concepts que nous dévoilons aujourd’hui livrent au monde un aperçu de notre ambition en la matière ».

Airbus mise sur l’hydrogène pour remplacer les motorisations traditionnelles qui reposent sur le kérosène, « développer un avion décarboné ne nécessite pas de rupture technologique majeure » estime le président. La société a déjà eu recours à la propulsion à hydrogène pour sa fusée Ariane et ses satellites à travers sa filiale Airbus Defence and Space. L’hydrogène est « une option qui s’avère exceptionnellement prometteuse comme carburant aéronautique propre ».

Trois concepts d’avions propulsés à l’hydrogène

Airbus a dévoilé trois concepts ZEROe (Zero Emission Aircraft), des avions hybrides à hydrogène:

• Le premier modèle s’appuie sur un design classique d’avion avec deux turboréacteurs sous chaque aile. Il permettrait de transporter entre 120 et 200 passagers, soit l’équivalent des A220 et A320 actuels. Il disposerait d’une autonomie de 3700 km et pourrait passer d’un continent à un autre sur des vols long-courriers. L’hydrogène gazeux y serait stocké dans des réservoirs à l’arrière de l’avion.

Airbus ZeroE à l'hydrogen

• Le second modèle s’appuie sur un design classique d’un avion turbopropulsé avec des hélices. Il pourrait embarquer 100 passagers sur une distance de 1800 km (1000 nm). Comparable aux avions d’ATR, une filiale Airbus, cet avion pourrait relier toutes les villes d’Europe et serait idéal sur des vols court et moyen-courriers. L’hydrogène gazeux y serait aussi stocké dans des réservoirs à l’arrière de l’avion.

Airbus ZeroE turboprop

• Le troisième modèle est plus disruptif. Son apparence d’aile volante rappelle le Boeing X-48 ou encore le Flying V de KLM. Cet appareil au look futuriste pourrait accueillir jusqu’à 200 personnes et voler 3700 km (2000 nm). Selon Airbus, « le fuselage exceptionnellement large ouvre de multiples possibilités pour le stockage et la distribution de l’hydrogène, ainsi que pour l’aménagement de la cabine ».

Airbus ZEROe Blended wing body powered by hydrogen

Jean-Brice Dumont, directeur de l’ingénierie chez Airbus, précise sur BMF TV que les deux premières versions ZEROe au design classique seront vraisemblablement les deux premiers qui voleront en 2035: « Ce sont des évolutions proches des avions que nous savons faire aujourd’hui, la troisième est plus audacieuse, plus révolutionnaire. Difficile de préjuger qu’elle sera prête en 2035, mais à terme l’aile volante sera l’avion qui pourra emmener les passagers le plus loin. »

Comment fonctionne un moteur à hydrogène ?

Les ingénieurs d’Airbus souhaitent simplement remplacer la combustion fossile par une combustion entre l’hydrogène liquide et l’oxygène. Cette combustion décarbonnée permettrait de propulser des réacteurs d’avion classiques tels que nous les connaissons aujourd’hui. Dans ce cas, les moteurs généraient une poussée non pas en brûlant du kérosène mais en consommant de l’hydrogène liquide. Ils ne rejetteraient plus que de la vapeur chaude dans l’atmosphère.

Le constructeur souhaite aussi utiliser l’hydrogène pour alimenter en électricité ses avions. Des piles à hydrogène viendraient complémenter les turbines pour créer l’énergie électrique suffisante afin d’alimenter ces avions commerciaux. Ce système de propulsion hybride à l’hydrogène est vu comme le meilleur moyen non polluant de propulser un avion et de le fournir en électricité.

L’hydrogène, une solution pour le transport de demain

L’industrie aéronautique se remet en question depuis quelques années en essayant d’imaginer l’énergie propre qui pourrait alimenter les avions commerciaux du futur. Mais le kérosène est un combustible fossile dont le secteur a beaucoup de mal à se séparer. Sa densité énergétique élevée permet d’alimenter des gros avions sur de longues distances, les productions sont abondantes et il prend peu de place à stocker en tant que liquide.

Bien que les constructeurs d’avions et de moteurs font tout pour réduire la consommation de carburant depuis quelques années, la combustion du kérosène émet beaucoup de dioxyde de carbone (CO2) et n’apparait plus comme viable dans un futur proche où le monde entier fera face au défi climatique. Il est devenu impératif pour les constructeurs d’avions et les motoristes de trouver une alternative.

Les substituts imaginés jusqu’alors ne sont pas beaucoup plus viables. Les bio-carburants émettent moins de CO2 mais nécessitent beaucoup de terres cultivables pour les produire. De même, l’énergie électrique est très prometteuse mais les batteries actuelles sont lourdes et n’ont pas les capacités pour propulser des gros avions commerciaux.

Airbus mise alors sur l’hydrogène. En tant qu’élément le plus abondant sur terre qui forme l’eau, on le trouve en très grande quantité dans les océans, les rivières, les lacs et même l’atmosphère. L’hydrogène a déjà fait ses preuves dans le secteur du transport pour propulser des voitures, des bus et des trains. La NASA l’utilisait même dès les années 1950 sous forme de piles à hydrogène afin d’alimenter en électricité ses navettes spatiales.

La combustion de l’hydrogène et de l’oxygène n’émet que de la vapeur d’eau dans l’air. Ce sont les méthodes d’extraction de l’hydrogène de l’eau qui peuvent être polluantes. Airbus s’est engagé à utiliser de l’hydrogène obtenu grâce à des énergies renouvelables. Le projet de voir une aviation plus respectueuse de l’environnement pourrait donc émergé avec le constructeur européen.

ZeroE concept Airbus Aircraft Patrol Flight

D’importants défis à relever pour les futurs Airbus ZEROe

La contrainte technique principale de l’hydrogène est son stockage. Il doit être stocké sous forme gazeuse à très haute pression, jusqu’à 700 bar. Les seuls réservoirs capables de résister à une telle pression doivent être de forme cylindrique ou sphérique. L’hydrogène ne pourra donc pas être stocké dans les ailes comme le kérosène, mais dans des cylindres à l’arrière du fuselage de l’avion. C’est autant d’espace en moins pour les passagers mais le projet du ZEROe en forme d’aile volante pourrait palier le problème, il permettrait de stocker l’hydrogène au-dessus ou en-dessous de la cabine de passagers. « L’hydrogène est léger, c’est plutôt bon pour l’aéronautique. Par contre il est, pour la même énergie, quatre fois plus volumineux. » précise Jean-Brice Dumont.

Par ailleurs, l’hydrogène doit être liquide pour être transporté et injecté dans les turbines. C’est-à-dire qu’il doit passer de l’état gazeux à cryogénique en étant refroidit à -253°. Beaucoup ont aussi exprimé leurs inquiétudes sur ce procédé, arguant que l’hydrogène peut être très dangereux pour les passagers.

Les trois concepts d’avions ZEROe feront l’objet d’études approfondie jusqu’en 2025 pour déterminer quels sont les modèles les plus pertinents. Un lancement industriel est espéré dès 2028. Grazzia Vittadini, la directrice de l’innovation d’Airbus, insiste : « le démonstrateur nous permettra d’évaluer quelle est l’architecture la plus prometteuse. Nous le considérons comme applicable à tous les produits Airbus à terme ».

Le procédé par lequel l’hydrogène est extrait de l’eau est très énergivore. Airbus envisage la technique de l’électrolyse avec des énergies renouvelables mais le coût de ce procédé reste pour le moment encore très élevé.

Pour que le projet d’Airbus soit viable, ce sont tous les acteurs de l’aéronautique qui vont devoir s’investir. Une production importante d’hydrogène devra être mise en place, les aéroports auront besoin d’infrastructures de transport et de ravitaillement d’hydrogène, les autorités publiques devront soutenir ces objectifs avec des plans de soutien et les compagnies aériennes devront jouer le jeu de l’hydrogène. « Ce chantier, Airbus ne le réussira pas seul » a prévenu Grazzia Vittadini.

Le risque d’échec est considérable pour Airbus. L’entreprise conserve notamment l’expérience du projet E-Fan X lancé en 2017 en collaboration avec Siemens et Rolls-Royce. Cette collaboration avait pour ambition de lancer un système de propulsion hybride électrique sur un avion régional en 2020 et avait échoué.

L'airbus A350 XWB au décollage

Des annonces prometteuses en période difficile

Cette annonce des Airbus ZEROe apporte de l’optimisme alors que le secteur aéronautique traverse probablement la plus grave crise de toute son histoire. Le confinement et les fermetures de frontière induits par la crise du coronavirus ont stoppé net le trafic aérien mondial pendant plusieurs mois. Après une croissance annuelle de 5% en moyenne pendant 20 ans et un doublement du nombre de passagers transportés sur la même période, le trafic mondial pourrait plonger de 60% en 2020.

L’Association internationale du transport aérien (IATA) et l’Airports Council International Europe (ACI) annoncent une reprise complète du trafic passagers en 2024. Cette situation a un impact important sur les compagnies aériennes. En grandes difficultés financières, elles sont poussées à clouer une partie de leur flotte et repousser voire annuler leurs commandes de nouveaux appareils. Les avionneurs ont reçu pas moins de 500 annulations de commande et quelques 600 avions ont vu leur livraison reportée. Airbus a diminué ses cadences de production de près de 40%.

Malgré tout, l’État français souhaite faire repartir au plus vite le trafic aérien et place la transition écologique au cœur du plan de relance de l’aviation commerciale. L’annonce des Airbus ZEROe tombe a point nommé puisque l’État français va verser 1,5 milliard d’euros sur trois ans au Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) afin de développer rapidement un avion décarboné.

Une nouvelle ne venant jamais seule, la compagnie aérienne low cost Easyjet, séduite par ces nouveaux Airbus à hydrogène, a déjà annoncé son intention d’en acquérir dès leur mise en service en 2035.